dimanche 1 mai 2016

Paysage


J'ai suggéré le territoire comme "paysage".
Lieu(x), surface habitée, mœurs, habitus, langue. (Je réagis aussi très mal aux dégradations de la langue, à la mésorthographe* envahissante, alors même que j'accepte fort bien l'introduction de mots étrangers, les néologismes, les réformes de l'orthographe… J'écris d'ailleurs selon la "nouvelle orthographe recommandée" **.)
Une Culture, c'est une sorte de paysage. Au sens géographique et climatique d'abord : les habitants d'un pays d'herbe, de vaches et de pommiers ne sont pas tout à fait les mêmes gens qui habitent un pays de sable, palmiers et chèvres. Mais ça concerne tout autant sinon plus le paysage urbain, tout ce qui fait qu'on connait et reconnait son pays et son quartier : l'architecture et la décoration façonnés par les siècles, les magasins et magazines, les boucheries-charcuteries, bureaux de tabac, troquets, terrasses, bière et vin, cinémas, salles de concert, musées, églises (même si on ne fréquente pas forcément les uns et les autres). On pourrait dire "le paysage humain". Ceci incluant le paysage sonore : les sons, celui de la langue, des cloches, des musiques de rue, etc. Et même celui des bagnoles, des trains et des pompiers… Et même les odeurs…
… Paysages où un étranger en costume civil, quelle que soit la couleur de sa peau, passe fort bien, alors que passe mal l'homme en barbe, djellaba et chéchia ou la femme en burqa… de même que la mosquée, son minaret et son muézin wahhabite qui incante si mal… Sans doute aussi sommes-nous hérissés, à l'oreille, par les langues gutturales avec leurs rauquements. L'allemand (langue de gens qui nous ont occupés, quand même…), l'espagnol (on a tout le temps l'impression qu'ils s'engueulent) et donc l'arabe.
Il y a aussi sans doute, où se loge la xénophobie primaire, un point d'achoppement très particulier sur la bouffe. Pour nous qui sommes issus d'une culture-religion qui n'a pas mis de tabou sur la nourriture, les tabous des autres, hallal ou cacher, ni cochonnailles ni alcool, semblent ridicules… ou même nous irritent, comme si ça touchait au plus profond de notre identité ou culture… (On est bien français, quand même !)
Et "les autres" nous le reprochent, et nous le reprochent chez nous. « Non mais qu'est-ce qu'ils se permettent ?! Ils nous détestent parce qu'on mange du porc ?! N'importe quoi ! C'est comme s'ils nous reprochaient d'être français. D'autant plus que nous adorons le couscous, c'est-à-dire que nous faisons preuve d'une tolérance et mieux, d'une appréciation, que "eux" ne réciproquent pas ! Ils pourraient faire un effort ! »
Évidemment, le paysage n'est pas fixé-figé une fois pour toute.
Évidemment, on s'adapte, autant que possible.
Mutuellement, autant que possible.
On fait des efforts, oui. On fait des pas l'un vers l'autre. Et si "l'autre" a plus de pas à faire, c'est qu'il est là depuis moins longtemps. Ce n'est pas un reproche ni même une exigence, c'est le constat d'une réalité historique et anthropologique. Il a plus à apprendre (en tout cas s'il veut réellement vivre dans ce paysage), à commencer par la langue, la bouffe, le costume, les mœurs…
 (à suivre)



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