lundi 20 février 2012

CHOUCROUTE POUR TOUT LE MONDE !


LO N°467 (17/02/12)
(Ou comment parler d'un sujet auquel je ne connais rien en me référant à quelques articles de Courrier International, Le Monde diplo, et autres analyses de Bernard Maris et de quelques autres économistes atterrés, auxquels je pique sans honte des idées et des formules, sous forme de citations ou de paraphrases, entre guillemets ou pas, selon le temps et l'humeur.)


L'Allemagne est très fière de ses performances d'exportateur. Mais quand un pays ainsi néomercantiliste vend plus qu'il n'achète à l'étranger, ça finit par poser problème à tout le monde : les marchandises produites par l'Allemagne ne sont pas "échangées", elles sont "livrées à crédit". Où est le "libre échange", la symétrie, la réciproque, l'égalité ?
Se rappeler que 40% des exportations allemandes se font vers l'Europe. (Dans le dernier Monde diplo, N°695, fév. 2012, ils disent 60.) L'Europe Sud s'endette auprès de l'Allemagne pour lui acheter ses produits. (« Je te prête de l'argent pour que tu m'achètes des trucs, ainsi je gagne deux fois, sur la vente et sur les intérêts du crédit. ») Les déficits commerciaux des uns conditionnent les excédents de l'autre. La richesse de l'Allemagne repose sur les dettes de ses voisins… à condition que ceux-ci soient à même de rembourser… et voilà que l'Allemagne (via l'Europe UE) se met à leur reprocher vertement leurs dettes. L'Allemagne aurait-elle peur ? Tuer le débiteur, c'est simultanément tuer le client… Les pays en faillite (Grèce, Portugal…) ne pourront pas rembourser leurs dettes (à l'Allemagne) et ne pourront plus acheter de produits (à l'Allemagne). Je mets ça au futur, mais c'est en cours.
Ou bien l'Europe ("les oracles bruxellois") pousse "les autres" (ROE = rest of Europ) à faire comme l'Allemagne : produire pour l'exportation), 1) l'All. risque fort d'y perdre des clients et d'y gagner des concurrents ; 2) si tout le monde ne fait que vendre, il n'y a plus personne pour acheter. (« L'exportation du modèle allemand aggrave la situation ») A moins bien sûr que tout le monde s'entende pour se spécialiser, c'est-à-dire produire des biens complémentaires et non concurrents. L'All. des machines-outils, la France des prothèses mammaires, la Grèce du concentré de tomate, le Portugal du Fado, etc. Ce qui présente les risques de la spécialisation : demandez aux pandas à régime monomaniaque de bambou ou aux koalas/eucalyptus ; et ce qui est foncièrement anti-écologique puisque encourageant les échanges en masse, donc les transports en masse qui sont déjà la plus grande source de pollutions diverses (bruit, encombrements, particules dans l'air, CO2, etc.). Oublions ça. Et allons plutôt vers les économies localisées qui promeuvent l'autonomie, voire l'autarcie, au niveau du pays ou de la région, ou du département… Fin de la parenthèse protectionniste – ouh, le vilain mot !
L'Euro puni
La crise générale engendre une faiblesse de l'Euro, c'est bien connu. Mais ce n'est pas perdu pour tout le monde. Cette faiblesse profite aussi à l'Allemagne, en facilitant ses exportations hors de la zone Euro, dans le reste du monde (Asie, Afrique, Amérique latine, pays arabes). Ces 60 % compensent ses pertes d'exportations intra-européennes. Autrement dit, la mondialisation profite à l'All., mais contre (au détriment de) l'Europe et l'Euro. Et gaffe quand même : 40 contre 60, c'est proche d'un équilibre qui peut facilement se déséquilibrer.
Soulignons aussi que la situation intérieure allemande n'est pas si rose, socialement : la compétitivité à l'export se fait aussi par la limitation des salaires (les salaires deviennent la dernière "variable d'ajustement" dont les patrons disposent pour améliorer leur compétitivité : "désinflation compétitive" ou "dumping social"). On peut faire comparaison avec la Chine et sa si grandiose réussite commerciale internationale… sur le dos d'une population pressurée de travail, de conditions de vie merdiques, une pollution dramatique du territoire… A quoi bon être un pays puissant "sur la scène internationale" si c'est pour s'autophagociter, abîmer son pays et sa population ? Qu'est-ce qu'un pays, sinon un territoire et une population ? L'Allemagne s'enrichit en appauvrissant les Allemands. (Tiens, justement, voilà-t-y pas que les contrôleurs aériens allemands font la grève comme de vulgaires Français…) Les travailleurs négocient sous la menace de nuire à la compétitivité nationale, du coup (patriotisme ?) leur priorité n'est plus la hausse des salaires mais la conservation des emplois. Partant, la question de la répartition des richesses se trouve évacuée et les écarts se creusent.
Mais il y a un aspect positif dans cette mentalité économique allemande : ces salaires qui stagnent, la hantise de l'endettement et de l'inflation, rien n'encourage la consommation intérieure… et moins de consommation quelque part ça fait toujours du bien… et du coup  rien n'encourage non plus les importations… une forme de protectionnisme.
Protectorackett
D'un côté, l'Allemagne-fourmi serait sans doute bien contente de se débarrasser de la Grèce-cigale, sachant que celle-ci ne lui rembourse/ra plus rien et ne lui achète/ra plus rien, vu la récession où elle est/sera, en particulier à cause des mesures d'austérité édictées chez elle par… l'Allemagne. (Oui, je sais… par la "troïka" – ou triumvirat – Commission européenne+Banque centrale européenne+FMI… mais ça revient au même…) D'un autre côté, on essaye de faire durer, on espère envers et contre tout minimiser les pertes, et surtout on craint la contagion boule de neige vers Portugal, Espagne, Italie, France…
S'éveille alors la question de la solidarité, ou, pour ne pas parler en moraliste, d'une volonté de cohésion et de cohérence : l'Allemagne tient-elle à l'Europe, ou est-elle prête à dire "Crevez tous, on a assez de clients au Qatar, au Brésil, en Chine…" ? Pour l'instant elle semble quand même préoccupée par l'Europe, au moins dans le sens où un maître veille à la santé de ses serviteurs, pour qu'ils soient efficaces et durent. L'All. est-elle dans une démarche de colonisation de l'Europe ? Un peu comme Hitler l'avait voulu (1 point pour moi sur l'échelle de Godwin), mais par des moyens différents : plus besoin d'occuper les territoires physiquement et militairement… c'est une occupation économique, ou télécolonialisme, qui est en cours. Un État (trop) endetté verra ses drapeaux en berne devant les bâtiments de l'UE (puni !). Un pays qui ne se conforme pas aux "recommandations" (= plan de rigueur), il subira des sanctions ? Panpan-cucul ? Non, financières, les sanctions : on impose des amendes à des pays déjà impécunieux, surendettés, exsangues, – c'est logique. La Commission Européenne devient une agence de notation. Un "commissaire au budget" nommé par l'Eurogroupe jouera le rôle d'un gouverneur colonial préoccupé avant tout de maintenir la pression et garantir les intérêts des créanciers.
Soigner le mal par le mal ! (Ou comment l'Europe tue l'Europe)
Déjà le projet de référendum de Papandréou a été "interdit" par le directoire Allemandeuropéen. Déjà les nouveaux dirigeants mis en place en Grèce ou en Italie apparaissent comme parachutés par l'UE et sa banque centrale (c'est-à-dire encore une fois l'Allemagne). Ces nouveaux gouvernements, dits "techniques", ou "de salut public" sont à base de prétendus "experts", économistes, banquiers, ci-devant commissaire européen, gouverneur de banque centrale, administrateur de Goldman Sachs, tous grands néolibéralistes, libérateurs de la finance… autrement dit les responsables de la merde. C'est un peu comme si on mettait Madoff président aux USA ou Jérôme Kerviel en France. (Ne manquera plus qu'on nous mette Jean-Claude Trichet ministre des finances…)
Ces gens sont les agents même pas secrets de la Phynance. Parvenus au cœur des États, ils étaient déjà le ver dans le fruit, maintenant ils bouffent le noyau. Tout cela est la conséquence logique du moment (années 80) où les gouvernements (Thatcher, Reagan, Giscard) ont abandonné leur souveraineté aux banquiers en leur confiant le soin de créer l'argent à leur place. Ils ont agi à la manière du consommateur moyen post-soixante-huitard : « Que voulez-vous ? — Tout, tout de suite ! — Très bien, empruntez ! » Ainsi l'argent devint argent-dette.
Surveiller et punir
Le principe du rackett se confirme. Prise d'otage ou "mise sous rançon" (Emmanuel Todd). On a vu ça dans les polars : le maffieux au petit commerçant : « Tu me payes pour que je te protège. — Mais… contre qui ? Personne ne me menace. — Tu verras bien. » Et il voit bien quand les protecteurs potentiels (masqués… ou leurs complices) ravagent sa boutique. Les protecteurs peuvent revenir avec « On te l'avait bien dit. » Ça concerne la Grèce, mais plus généralement toute dette. Comme déjà évoqué, e débiteur se place sous l'autorité de son créancier, à la fois sous sa menace et sous sa protection. Le créancier vous menace en ce sens qu'il peut exiger remboursement, mais il vous protège car il sait que si vous mourez vous ne rembourserez jamais. (A moins qu'il puisse, à votre mort, s'emparer de vos biens, mais finis les intérêts…)
Le peuple, c'est l'ennemi.
L'Europe était censée favoriser la coopération entre ses membres et en faire une grande puissance intérieurement solidaire face au reste du monde (la superpuissance américaine et ROW). Elle se révèle une machine à concurrence interne entre pays européens et entre salariés européens (dumping social).
Face à cela que peut le peuple, que deviennent la république, la constitution, la volonté populaire ? Tout cela est remplacé par une oligarchie (les huiles) à la botte de la finance, obéissant aux diktats (sic) des marchés (sic), cette entité acéphale, cet inconscient collectif guidé par des mouvements de masse. Le pays (les gens, les habitants), est livré à une dictature hostile. Khadafi tuait son peuple libyen ? Bachar El-Assad le sien syrien ? Oui… Les gouvernements "techniques" en font/feront autant à leur manière. Les mesures de rigueur, on les dit impopulaires, ce qui suppose que le peuple est trop bête pour les apprécier à leur juste valeur. Elles sont en fait carrément antipopulaires. Oubliez le Royalisme divin, le Communisme ou Mao. Le nouveau dieu aveugle et sourd est l'Argent et la BCE est son prophète. Les camps de rééducation ne sont pas loin. Un commissaire européen est un commissaire de police ou un "commissaire du peuple". Le nouvel exécutif est un exécuteur des basses œuvres de la BCE, du FMI, de la finance, des "marchés"… de l'Allemagne.
Laquelle le paye en isolement. Elle devra comprendre que son hégémonie de capitale cacapipitaliste, si elle enchaîne à elle ROE, les pays plus faibles, ses "provinces" ou "colonies", elle-même se retrouve enchaînée à eux… La dette pied et poing lie les deux protagonistes, créancier et débiteur, tyran et assujetti. Et transformer ses voisins, en principe "pays amis", en ennemis, ça finit mal, en général.
Pitié pour la Grèce !
La Grèce touche/ra d'énormes aides sous forme d'annulation de dette et de nouveaux prêts (pièges). Elle devra dire merci bien bas au triumvirat. Il faut se rappeler que "Merci", à la base, c'est "demander merci", ça signifie "Miséricorde ! Grâce ! Pitié ! Ne me tuez pas ! Je suis à votre merci". Ainsi le féal, le vaincu se présente devant son maître, la tête basse, la corde au cou, comme les bourgeois de Calais, ou simplement le cou nu, comme offert à l'épée ou à la hache du vainqueur. (Merci, du latin mercedem, accusatif de merces ("salaire, prix, récompense" et, en latin tardif, "faveur, grâce".)
C'est ça ou s'immoler par le feu.
Que dire de tout ça sinon que les remèdes sont en passe de tuer les malades. Comme me disait mon médecin, "Vous verrez bien à l'autopsie, si mon diagnostic était faux". La Grèce pressurée comme une vulgaire prothèse PIP au carnaval de Rio, est prête à imploser… ou a exploser. Après le vent glacé soufflant sur la frontière alsacienne, un souffle chaud monte du sud… (Mais que font les "casseurs" grecs à brûler un cinéma, n'y a-t-il pas assez de banques, d'ambassades, de bâtiments gouvernementaux à cramer ?!) La Grèce brûle/ra, le Portugal brûlera…… Le résultat de l'augmentation de la TVA en Grèce se fait déjà sentir : là où un calcul simplet promettait de nouvelles rentrées fiscales grâce à cette augmentation, la réalité montre que, quand les choses deviennent plus chères et les salaires plus bas (–20%), on n'achète plus rien et donc on ne paie pas de TVA, c'est con. (En janvier 2012, les rentrées TVA grecque étaient en baisse de 20 %). De la TVA sociale (ou TV-asociale ?) à venir peut-être en France, tout est à craindre…
Reste, pour tous, Allemagne et satellites européens, l'espoir qu'on va limiter les dégâts, maintenir, voire améliorer la situation à coup de cautères sur jambes de bois. Illusoire. De toute façon le système va se détraquer, même si on ne fait rien. Il serait sans doute plus sûr de laisser tomber, faire table rase du système, et tout remettre à plat, remonter de zéro un nouveau système. J'ai dit "plus sûr", mais il est clair que cela ne peut se faire sans une période de chaos… des mois, des années ou plus.

1 commentaire:

romain22000@yahoo.fr a dit…

Vos papiers ne sont en rien "chiants" ;)
Au contraire, je les trouve très proche de la réalité. Je dirais d'une analyse très juste (Mais bon je suis pas analyste :p )