dimanche 3 juillet 2011

FUCKYOUSHIMA


LO N° 449 (3 juillet 11)
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SORTEZ VOS DOSIMÈTRES
Tour areva très bien, madame la marquise. Les liquidateurs sont partis la fleur au fusibles, le dosimètre en bandoulière, le compteur gegène en batterie de fissiles. Actifs, interactifs, et bientôt radioactifs…
Arrêtez de nous bassiner, philosophes, avec le siècle des Lumières. "Les Lumières". Le savoir aussi est une passion. Et peut être, comme toutes les passions, destructeur. Les lumières du savoir aveuglent les savants comme la croyance aveugle les croyants. Lumières célestes, les mêmes que celles qui éblouissent les mystiques. Les lumières les ont éblouis, jusqu'à l'aveuglement, éclair d'Hiroshima-Nagasaki-Tchernobyl-Fukushima……… Le savoir sans la responsabilité n'est qu'aveuglement.
Que nous disent-ils, ces savants ? « Le savoir est pur, la science est pure, le mal, c'est ce qu'on en fait. » "On" ? "On", c'est toujours les autres. Les véritables enfants irresponsables sont ces "savants" qui disent : « Laissez-nous jouer avec nos jouets, équations et cyclotrons, c'est tellement rigolo. Les décisions, après, ne sont pas de notre fait mais de celui des politiques. » (hommes politiques qu'ils savent ignares et méprisables…)
« C'est trop facile de dire que la science n'est pas mauvaise dans son essence, que seul l'usage qu'on en fait est mauvais : la possibilité de l'usage en crée la nécessité, cela a toujours été comme ça depuis Prométhée. » (Jacques Sadoul. "C'est dans la poche")
Autrement dit : si on peut le faire, on le fera, soyez-en sûr. Foin de la responsabilité, morale, éthique, déontologie (des hontes au logis ?)
# On se souvient de cette prise de position de Richard Feynman, le précurseur des nanotechnologies, évoquant les beaux jours du Projet Manhattan, à Los Alamos. « Je dois à von Neumann d’avoir compris que nous n’avons pas à nous sentir responsables du monde dans lequel nous vivons. Depuis lors, je n’ai cessé de me sentir "socialement irresponsable", et je m'en suis toujours bien porté. Cette irresponsabilité active qui est la mienne est née de ces conseils que von Neumann me donnait lors de nos promenades. » (R. Feynmann. Vous voulez rire, monsieur Feynman. Editions O. Jacob) Rappelons que l’inspirateur de cette "irresponsabilité active", von Neumann, fut le maître d’oeuvre de la bombe à hydrogène. (Pris sur site Pieces et Main d'œuvre) #
« Comment les lumières que nous recevons des sciences s'accompagnent-elles, parfois, de tels aveuglements ? Mieux nous savons, plus nous pouvons. Comment passer de ces possibilités au réel sans poser le problème du mal ? Quelle responsabilité portèrent, naguère, les savants du Manhattan Project ? » (Michel Serres. "Biogée". P 65)
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Plus raisonnables sont les vieux ingénieurs japonais retraités qui demandent à s'engager comme liquidateurs de Fukushima. Ils disent : « Si je choppe un cancer à cause des radiations, d'ici qu'il se déclare, je serai mort naturellement. » Ou : « Si je perds la vie dans cette mission, je perds moins qu'un homme de trente ans. »
On devrait employer la même logique pour la voiture : si la place du passager est bien "la place du mort", on doit y installer le plus vieux de la bande : il a moins à perdre que le jeune.
En toute logique, on devrait d'ailleurs tenir le même raisonnement pour la guerre : y envoyer les vieux. Mais il semble que ça ne marche pas comme ça. Traditionnellement (anthropologiquement) les vieux, installés au pouvoir, envoient les jeunes au casse-pipe. Le complexe d'Œdipe n'existe pas, le complexe de Kronos, oui : les pères tuent les enfants, histoire de conserver leur place de mâle dominant le plus longtemps possible.
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FUGUSHIMA
Le Fugu est un poisson que les japonais adorent ! Oui mais danger, ses intestins contiennent un poison violent appelé tetrodotoxine, qui est 1 200 fois plus mortel que le cyanure ! Un Fugu a assez de poison en lui pour tuer 30 personnes...
— En plus, maintenant, ils sont radioactifs.
— On en meurt deux fois.
— Trois, avec les pollutions au mercure. (Minamata, 1956)
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ARGUMENT NUCLÉAIRE
Un brise-glace russe à propulsion nucléaire parcourt la banquise arctique en brisant les glaces, comme son nom l'indique. Il emmène des touristes et prépare la voie pour les cargos qui vont profiter du réchauffement climatique et donc de la fonte des glaces et donc de l'ouverture du "passage du nord-est" pour gagner quelques miles dans leurs transports Europe-Asie-Amérique. Ce faisant, d'ailleurs, en brisant la banquise, le brise-glace accélère la fonte de la banquise et donc le réchauffement lui-même et donc la fonte.
Argument du navigateur : oui, le nucléaire présente des dangers, mais, à pleine puissance – et il en faut, de la puissance – on brûle 350 grammes d'uranium par jour. Avec un moteur à gasoil, il nous faudrait 350 tonnes de gasoil par jour ! Et ("comme je dis toujours", dit-il) il n'y a pas de station-service au pôle nord. Sans le nucléaire, tout cela serait impossible.
Ouais… Il serait impossible d'emmener des touristes au pôle nord.
Et alors ?
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"NATUREL"
Bilan (pas du tout intéressé) des sociétés d'assurance : les assurances augmentent parce que 2010 a été une année meurtrière à cause de "catastrophes naturelles de plus en plus nombreuses". De plus en plus. Formule intéressante dont ils se souviendront en 2012 pour parler de 2011 avec ses volcans, ses marées noires, ses séismes et tsunami, ses tornades américaines, "catastrophes naturelles de plus en plus nombreuses"… Les assureurs (et nous tous) feraient peut-être bien de se demander plutôt si la croissance démographique et l'urbanisation forcenée (autres "de plus en plus") ne sont pas des causes majeures d'augmentation des risques "naturels".
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RISQUE
Nous ne jugeons pas d'un risque à partir de sa probabilité mathématique mais en fonction de la facilité avec laquelle des exemples nous viennent à l'esprit : si un de nos proches est mort du cancer, notre crainte du cancer nous viendra par la proximité mentale de ce fait-souvenir plus que par les statistiques de la sécurité sociale. On parle d'accessibilité cognitive.
S'il est question, comme actuellement, du risque nucléaire civil, Tchernobyl me vient à l'esprit en premier, Fukushima ensuite, Three Miles Island plus loin, par effort d'information, non par mémoire immédiate. Sur le thème de "la bombe", c'est Hiroshima qui s'impose, Nagasaki ne suit que dans un second temps. Puis les essais français, à Mururoa ou au Sahara algérien (Reggane), ne suivent que mollement (il m'a fallu consulter Google pour retrouver le lieu exact : Reggane, et la date : 1960… et pourtant l'époque, De Gaulle, l'Algérie… ça fait partie de ma vie et de mes souvenirs conscients.)
D'où ce besoin que l'information-alerte soit répétée et martelée jusqu'à creuser un sillon profond dans les neurones. Mais ce n'est pas suffisant : pour générer autre chose que de la peur ou de la superstition, l'information doit s'accompagner de l'information sur une alternative. A propos du cancer, dans ma mémoire, je peux trouver autant de gens qui en sont morts que de gens qui, soignés, en ont guéri. Je peux citer des exemples dans mes proches. Si bien que ma peur du cancer s'inscrit dans une information plus globale : on en meurt ou on en guérit.
Dans le domaine du nucléaire, la peur est inévitable puisque j'ai connaissance des catastrophes qui ont eu lieu, du danger à long terme des déchets, etc. mais j'ai aussi connaissance des alternatives : solaire, éolien, géothermie… et surtout économies d'énergie. Partant de là, je peux avoir, par rapport au nucléaire, un raisonnement plutôt qu'une parano.
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« Nous ne parviendrons jamais à une déontologie de nos savoirs et de nos actes sans penser d'un coup le subjectif, l'objectif, le collectif et le cognitif ensemble. » (Michel Serres. Biogée. P 78)
A voir :
http://www.youtube.com/watch?v=tp1qkmImCnY&feature=share
A lire :
http://www.telerama.fr/monde/bernard-laponche-il-y-a-une-forte-probabilite-d-un-accident-nucleaire-majeur-en-europe,70165.php



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